LES FLEURS DU SILENCE // animée par Caroline Heraud, présidente de l’association Rainbow Screen

LES FLEURS DU SILENCE // animée par Caroline Heraud, présidente de l’association Rainbow Screen

lundi 5 mai 20:30
Utopia Montpellier - Sainte Bernadette, RainbowScreen
5 avenue du Dr Pezet, 34090 Montpellier, France
5 Avenue du Docteur Pezet, 34090 Montpellier - Montpellier
La séance du lundi 5 mai à 20h30 sera suivie d’une discussion animée par Caroline Heraud, présidente de l’association Rainbow Screen.

LES FLEURS DU SILENCE
(LILIES NOT FOR ME) Écrit et réalisé par Will SEEFRIED - GB 2024 1h39mn VOSTF - avec Fionn O’Shea, Robert Aramayo, Erin Kellyman, Jodi Balfour...
« Guérir de son homosexualité », le terme lui-même fait froid dans le dos…

Nous sommes au lendemain de la Première Guerre Mondiale, en Angleterre. Frappé d’une sévère pneumonie, le jeune Owen James, romancier, a eu la chance d’être dispensé de participation au carnage qui a décimé une génération d’hommes sur le continent européen. Ce qui lui a incidemment fourni la matière d’un premier livre. Au moment où débute le récit, Owen est pourtant interné pour tout autre chose, une maladie mentale difficilement curable : son homosexualité. La thérapie consiste, entre autres, en une discussion quotidienne avec une jeune et belle infirmière – dans l’espoir qu’un doux sentiment hétérosexuel naisse entre les deux convives du tea time. Et de fait, une complicité se fait jour peu à peu entre l’« inverti » et la jeune femme qui, métisse, partage avec lui la souffrance de la discrimination – dont a notamment été victime son frère, noir, rejeté par l’armée et mort dans un bombardement. À l’oreille compréhensive de cette confidente, Owen peut se livrer sans détours, raconter les événements qui l’ont conduit jusqu’à cet asile et qui lui fourniront la matière de son prochain roman. Principalement l’amour impossible avec Philipp, son ami / amant d’avant-guerre, devenu médecin à son retour du front. Philipp qui a décidé de se guérir de son homosexualité grâce à l’opération chirurgicale miraculeuse autant que révolutionnaire du Dr Steinach : une castration partielle suivie de la greffe d’un testicule « sain » ! Owen, lui, ne se sent aucunement malade et ne souhaite rien d’autre que suivre librement ses penchants amoureux.

Très élégamment mis en scène, ce premier film délicieusement british nous replonge, grâce à des comédiens remarquables (notamment le jeune irlandais Fionn O’Shea) et des dialogues tout en subtilité, dans une douceur feutrée, en clair-obscur, qui rappelle les œuvres du grand James Ivory.
L’histoire, « basée sur des faits réels », repose sur les thèses malheureusement en vogue dans les années 1920 du savant autrichien Eugen Steinach, qui prétendit dans un premier temps avoir « isolé » les « cellules F » responsables de l’homosexualité masculine et proposa dans un second temps l’opération évoquée plus haut pour – enfin ! – soigner l’humanité de cette « déviance contre-nature ». Le même Dr Steinbach acquit une notoriété mondiale en affirmant pouvoir rendre aux hommes la force et la vigueur (sexuelle, pense-t-on) de leur jeunesse grâce à une autre intervention chirurgicale (ce qui allait devenir la vasectomie). On voudrait sourire de ces pratiques qui mêlaient science, croyances, morale et religion – mais ce serait ignorer les victimes de ces protocoles barbares ! Il faut se souvenir qu’en Allemagne, le fameux Paragraphe 175, par lequel les nazis s’autorisaient à envoyer les homosexuels dans les camps de la mort, fût appliqué jusqu’à la fin des années 1960 et ne fut définitivement abrogé qu’en 1993. La dépénalisation de l’homosexualité n’intervint en Angleterre qu’en 1967 (l’Ecosse et l’Irlande l’appliquèrent beaucoup plus tard) et seulement en 1982 en France. Et gardons bien en tête que dans l’Amérique très contemporaine de Trump, et ailleurs dans le monde au sein de communautés corsetées par la religion, des milliers de parents envoient sans états d’âme leurs enfants gay en « thérapie de conversion » – et que nous ne sommes jamais à l’abri d’un retour en arrière.